Expertise

Projet de loi de financement rectificative de financement de la sécurité sociale pour 2023 : réforme des retraites 

Avant l’adoption sur l’ensemble du projet de loi le 11 mars, les sénateurs ont, le 9 mars, adopté un amendement de la rapporteure générale, la sénatrice Elisabeth Doineau et du rapporteur spécial sur les retraites, René-Paul Savary concernant les droits familiaux de retraite sur lequel le Gouvernement a donné un avis favorable. Rappelons que l'Unaf avait demandé au Gouvernement de corriger le projet de loi pour prendre en compte la situation des mères de famille.

Actualité législative

Intervention du Ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt :

« J’en viens enfin à l’amendement du rapporteur de la commission des affaires sociales. J’ai eu l’occasion d’indiquer que je discernais, dans le dispositif proposé, une initiative de Bruno Retailleau. 

Par cet amendement, qui me paraît aller dans le bon sens, nous abordons la question des mères et, plus largement, celle des droits familiaux. 

Dans un contexte d’augmentation de l’âge d’ouverture des droits, augmentation qui n’est pas due à cette réforme, mais qui est le fruit d’un mouvement beaucoup plus long, les trimestres acquis au titre de la maternité ou de l’éducation des enfants sont moins utiles. 

Nous sommes dans une société où le taux d’emploi des femmes progresse, ce qui est une très bonne nouvelle. À leur création dans les années 1960 et 1970, les droits familiaux, en particulier les trimestres de maternité, ont été conçus pour compenser les trimestres pendant lesquels les femmes ne pouvaient pas cotiser – le congé maternité n’était pas assez long pour être converti en trimestre cotisé et, souvent, les femmes interrompaient leur activité. 

Depuis lors, le plus souvent, et bien que des difficultés demeurent, les jeunes mères peuvent valider le trimestre correspondant à leur congé maternité et reprendre leur activité en validant le trimestre en cours. Alors qu’ils étaient pensés comme des trimestres de compensation, les trimestres liés à la maternité deviennent des trimestres de majoration. Nous n’entendons nullement remettre en cause ce droit. 

Pour autant, pour une mère dont la carrière est complète ou quasiment complète à un an près et qui arrive à l’âge d’ouverture des droits en ayant travaillé 42 ans, ces trimestres sont, sinon perdus, en tout cas moins utiles. 

De fait, les situations varient beaucoup. Ces trimestres de majoration, qui sont très utiles pour les femmes qui ont des carrières hachées – on sait qu’elles y sont plus exposées que les hommes –, auxquelles ils permettent d’atteindre sans décote les 42 ou 43 années de cotisation requises, sont moins utiles pour d’autres femmes. 

Le dispositif proposé par l’amendement n° 2127 rectifié a le mérite de conserver le bénéfice de ces trimestres dans toutes les situations : d’une part, il maintient les majorations de durée d’affiliation pour les femmes – ou plutôt pour les parents, puisque les trimestres d’éducation peuvent être répartis au sein du couple – pour les carrières incomplètes, afin d’éviter ou de limiter la décote, d’autre part, il permet à celles – ou ceux, mais majoritairement celles – qui à 63 ans, soit un an avant l’âge d’ouverture des droits, ont atteint la durée d’affiliation requise, de bénéficier d’une compensation par un mécanisme de surcote. 

Une telle majoration de la pension paraît d’autant plus juste que la maternité, même lorsqu’elle n’est pas inconciliable avec leur carrière professionnelle puisqu’elle ne conduit pas les femmes à l’interrompre, constitue un frein à la promotion. 

Pour le dire autrement, si la conciliation entre maternité et carrière professionnelle est plus facile, en tout cas moins difficile aujourd’hui, puisqu’elle est, sinon un empêchement de travailler, du moins un frein à la promotion, majorer la pension est peut-être la plus juste des compensations à apporter au moment de la retraite. 

M. Bruno Retailleau. C’est vrai aussi de l’adoption ! 

M. Olivier Dussopt, ministre. Tout à fait, il s’agit, non pas seulement de maternité ou de paternité, mais bien de parentalité. 

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émettra un avis favorable sur l’amendement n° 2127 rectifié. » 

Le rapporteur spécial sur les retraites, René-Paul Savary a précisé les contours et les modalités de cet amendement visant à instaurer une surcote de 5% pour les parents ayant les 43 annuités dès l’âge de 63 ans avec au moins un trimestre de majoration de durée d’assurance. 

« Voilà un amendement particulièrement important, puisqu’il porte sur un sujet auquel nous sommes attachés, celui de la carrière des mères de famille, dont nous voulons faire en sorte que les particularités soient reconnues. 

Avant de présenter l’amendement, je voudrais remercier Bruno Retailleau.  

Cela fait un certain nombre d’années qu’il se montre très sensible aux problèmes que rencontrent les mères de famille, à leurs carrières hachées et aux difficultés que l’on peut rencontrer quand on élève ses enfants et que l’on continue à travailler. Il m’a confié une mission de réflexion sur ce sujet dont nous avons largement débattu à la commission des affaires sociales et qui est tout à fait essentiel. C’est là un marqueur fort de notre attachement à prendre en compte la situation des mères de famille. 

Dans la proposition que je vais vous faire, mes chers collègues, nous avons toujours veillé à conserver certains principes sur lesquels je m’attarderai quelques instants. 

Tout d’abord, nous constatons tous que les pensions de retraite des mères de famille sont moins élevées que celles des hommes, compte tenu des difficultés de carrière qu’elles peuvent rencontrer. 

Ensuite, dans le dispositif actuel, la majoration est différenciée pour la maternité, l’éducation des enfants ou l’adoption, et elle peut varier : quand on est fonctionnaire on n’a pas forcément le même nombre de trimestres – quatre trimestres de majoration avant 2004 et deux trimestres après 2004. Nous comptions donc prendre en compte cette différence. 

Pour ce qui est de la durée, la même logique s’applique. Prévoir un âge anticipé de départ à la retraite – nous avons travaillé sur toutes les solutions possibles – revient à accorder une durée de retraite plus longue. Or l’argument selon la durée de la retraite devrait être plus longue pour les femmes que pour les hommes ne vaut pas, parce qu’il n’y a pas de différence en matière d’espérance de vie – c’est la même. En conséquence, ce type de dispositif relèverait d’un droit qui, au regard de la législation européenne, serait considéré comme discriminant pour les hommes par rapport aux femmes. C’est pourquoi nous ne l’avons pas retenu. 

Tels sont les principes qui nous ont animés et conduits à faire cette proposition d’une surcote anticipée. 

Là aussi, nous allons à l’encontre des dispositifs du système de retraite actuel, puisque la surcote ne peut intervenir que quand la durée de cotisation est dite à taux complet – 172 trimestres à l’avenir –, que l’âge légal de départ à la retraite est atteint et que l’assuré travaille au-delà de cet âge légal avant de liquider sa retraite. 

C’est la raison pour laquelle nous proposons un dispositif inédit de surcote avant l’âge légal. 

À partir du moment où l’on a un trimestre de majoration au moins dans le calcul de sa pension, une fois pris en compte les 172 trimestres requis, indépendamment du fait que cette majoration de trimestres soit liée à la maternité ou à l’éducation et dès lors que l’on a atteint le taux plein à 63 ans – je vous dirai pourquoi nous avons retenu cet âge, alors que la loi prévoit qu’il faudra travailler jusqu’à 64 ans –, il nous paraît tout à fait légitime d’introduire une disposition particulière, à savoir une meilleure pension pour prendre en compte cet effort supplémentaire. Je précise que cette réforme vise les mères de famille, mais peut également concerner des hommes, puisque la répartition des majorations au titre de l’éducation et possible. 

Par rapport à une mesure portant sur l’âge anticipé, cette disposition présente un autre avantage, celui de réduire les différences de niveau de pension entre les hommes et les femmes. Sur toutes les travées, j’entends que cette réduction doit être au cœur de notre réflexion et qu’il faut faire en sorte de la mettre en œuvre. Les différences se réduiront naturellement, au fil du temps, compte tenu du fait que les femmes sont de plus en plus diplômées et qu’elles ont des carrières relativement similaires à celles des hommes. Par conséquent, progressivement, le montant des pensions tendra vers une plus grande égalité. 

Un seul trimestre de majoration suffit, quel que soit le nombre d’enfants, que l’on travaille dans la fonction publique ou dans le secteur privé. 

Enfin, nous avons limité le dispositif à quatre trimestres, soit 5 % de surcote, faute de quoi l’on tomberait dans un dispositif particulièrement onéreux ; or nous savons que cette réforme a avant tout pour objectif de combler les déficits et non de les creuser. 

Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons cet amendement, sur lequel nous pourrons, me semble-t-il, nous mettre d’accord. » 

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